Prix de thèse de la MMSH 2025 : « Aller aux olives »

Le prix de thèse de la MMSH pour l’année 2025 est attribué à Lucille Florenza pour sa thèse“Aller aux olives”. Une anthropologie du genre et du travail en Andalousie

Résumé de la thèse

De la plantation des oliviers à leur récolte, depuis les moulins jusqu’au design des bouteilles d’huile d’olive, l’enquête de cette thèse propose une relecture de la filière oléicole à l’aune de la division sexuée du travail. Cette culture emblématique de la Méditerranée offre un cadre pertinent pour questionner plus largement les rapports sociaux de sexe à l’œuvre dans le fonctionnement de l’agriculture, au sein des familles, et dans l’économie des espaces ruraux. Ce travail s’inscrit dans une approche théorique critique qui mobilise le genre comme un outil analytique pour questionner les hiérarchies et les inégalités dans les sociétés méditerranéennes rurales, grâce à la mobilisation croisée des concepts de travail, de filière et de plantation.

La thèse invite dans un premier temps à retracer la genèse de la « mer d’oliviers » pour comprendre comment les femmes ont été privées de l’accès aux terres, écartées des imaginaires liés à la production de ce paysage, et reléguées aux marges. L’analyse porte ensuite sur le fonctionnement patriarcal de l’agriculture familiale, au sein duquel s’opère un premier apprentissage des hiérarchies par les membres de la famille. Puis la thèse se resserre sur la saison de récolte des olives pour donner à voir comment les hommes et les femmes « vont aux olives ».

L’étude montre que, d’une part, la division sexuée opère un partage inégalitaire des rôles et des outils qui est défavorable aux femmes, et que, d’autre part, la récente modernisation de la récolte vient paradoxalement creuser ces inégalités et évincer les femmes de cette étape clé du secteur et des ressources qu’elle génère. Enfin, parce que la filière oléicole ne se réduit plus aux seules oliveraies et huileries coopératives, l’enquête explore les nouvelles branches du secteur pour comprendre pourquoi et dans quelles conditions les femmes investissent particulièrement les moulins privés, la chimie, la dégustation ou le tourisme, des nouveaux mondes oléicoles à partir desquels est questionnée une féminisation de la filière.

Lucille Florenza

Lucille Florenza est docteure en anthropologie, rattachée au Centre Norbert Elias à Marseille. Ses recherches portent sur le genre, le travail, l’agriculture et les mondes ruraux en Méditerranée.

Pour son doctorat, elle a mené des enquêtes de terrain pendant près de deux ans au Maroc et en Espagne. En commençant par le sud du Maroc (Souss-Massa) et le centre du pays (Beni Mellal), elle a observé différents types d’oléicultures qu’elle a pu par la suite faire résonner avec le terrain principal de la thèse qui a été mené pendant plus d’un an au sud de l’Espagne au cœur de la « mer d’oliviers » andalouse. Ses matériaux incluent également un travail photographique (argentique), le suivi d’une troupe de théâtre communautaire féminine, ainsi qu’une collecte de poèmes et de paroles de chants traditionnels de récolte, afin d’offrir une compréhension plus riche des mondes sociaux de l’oléiculture.

Elle enseigne depuis plusieurs années l’anthropologie du genre en Méditerranée à Sciences Po Paris campus Menton, travaille sur un projet de recherche-création sur les espaces ruraux en collaboration avec une metteuse en scène de théâtre, et s’engage dans des projets d’enquête et d’écriture collectives sur les violences sexuelles. Elle est notamment co-autrice du livre Mazan, anthropologie d’un procès pour viols publié aux édition Le bruit du monde en octobre 2025.

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