Pourquoi la revue Mutations en Méditerranée (MeM) de l’Institut SoMuM a choisi d’être sous la licence Creative Commons CC-BY ?

En co-rédaction avec Isabelle Gras

Traduction en anglais

Rappel : objectifs et fonctionnement des licences Creative Commons

Les licences Creative Commons permettent de faciliter la diffusion et le partage de la connaissance tout en garantissant la protection des droits d’auteurs. Elles permettent à l’auteur d’autoriser par avance aux utilisateurs des possibles reproductions, modifications, diffusions, exploitations de son œuvre, sous certaines conditions. Il s’agit d’accorder des droits d’utilisation complémentaires à ceux qui s’appliquent par défaut comme par exemple avec le droit de citation.

Attention, l’auteur ne renonce pas à ses droits ! Les licences Creative Commons sont des instruments juridiques qui permettent à l’auteur de définir par avance les conditions d’utilisation qu’il souhaite rendre possibles pour son œuvre : il décide des droits qu’il souhaite conserver et définit par le choix de la licence ceux qu’ils acceptent de céder. L’objectif des licences Creative Commons est de favoriser le partage d’une œuvre et d’en faciliter l’utilisation gratuite par une tierce personne, dans les conditions fixées par l’auteur de l’œuvre.

Les licences Creative Commons, au nombre de six, sont fondées sur une liberté commune : à titre gratuit, elles autorisent la reproduction, la distribution et la communication de l’œuvre. Ensuite, différentes options peuvent être utilisées pour moduler l’exploitation de l’œuvre. Ces licences sont fondées sur une obligation commune : les utilisateurs doivent citer l’auteur de l’œuvre originale.

À ces six licences qui reposent sur le respect de la paternité (BY), s’ajoute la licence CC O, qui répond notamment à la logique des données scientifiques et qui a la particularité de permettre un transfert de l’œuvre dans le domaine public. ((https://coop-ist.cirad.fr/etre-auteur/utiliser-les-licences-creative-commons/5-la-licence-cco))

licences creatives commons
À gauche : classement des différentes licences, de la plus ouverte à la moins ouverte, Simon Villeneuve, 4 avril 2017, CC-BY-SA 4.0 ; à droite : Tableau des licences Creative Commons, economie.gouv.fr/apie/propriete-intellectuelle-publications/contenus-sous-licences-libres

Éviter le monopole exclusif par un acteur

Les licences Creative Commons permettent d’éviter qu’un acteur puisse se prévaloir d’une position privilégiée sur le marché, afin de s’arroger les droits patrimoniaux des auteurs à des fins exclusives pour assoir un monopole, rendant impossible toute diffusion des publications scientifiques, y compris à des fins non commerciales, en faveur de publics plus large.

La licence CC-BY, en autorisant l’utilisation y compris à des fins commerciales, permet à l’ensemble des acteurs et des entités qui constituent la société, un accès et une réutilisation des contenus créés dans le cadre de publications scientifiques financées sur des fonds publics, dans le respect de la citation de l’auteur dont la visibilité est ainsi maximisée.

Il n’y a alors plus de possibilité de domination du marché par certaines entités commerciales : ces dernières peuvent tirer des externalités positives de la réutilisation permise par la licence mais ne peuvent exclure d’autres acteurs d’en tirer aussi bénéfice à leur niveau, permettant ainsi une ouverture et une diffusion des savoirs au sein de la société.

En utilisant l’option NC – No Commercial, « des usages commerciaux vertueux » peuvent être bloqués comme l’illustre cet exemple relatif à Wikipédia, cité par Lionel Maurel :

C’était un projet qui consistait à mettre Wikipédia ou des parties de Wikipédia sur des clefs USB, pour les distribuer dans des zones géographiques où il n’y a pas de couverture internet, notamment en Afrique. Et ce projet-là, en fait, vendait les clefs pour pouvoir avoir une rentabilité financière. Si Wikipédia était en NC, eh bien ce projet ne pourrait pas voir le jour, en fait, parce que le fait de vendre les clefs serait un usage commercial […] il ne faut pas contrôler les usages commerciaux parce qu’il y a des usages commerciaux qui sont vertueux, qui ne sont pas problématiques.

Favoriser l’avancement de la recherche, au-delà des sphères linguistiques

La licence CC-BY autorise les utilisateurs à copier et rediffuser une œuvre, mais aussi à l’adapter, la remixer, la transformer, la traduire, la mettre à jour, produisant ainsi une œuvre seconde. Si l’utilisateur modifie l’œuvre initiale, il pourra appliquer la licence de son choix à l’œuvre dérivée.

En interdisant la modification de l’œuvre (option ND – No Derivate), les adaptations et les œuvres dérivées, l’avancement de la recherche est entravé alors même que les connaissances se construisent par accumulation, en s’appuyant sur les travaux des pairs et des prédécesseurs qui bénéficient d’une visibilité optimisée, dans le respect du droit d’attribution, conformément à une éthique de la recherche scientifique. 

En autorisant la modification d’une œuvre, la licence CC-BY permet la traduction et offre ainsi la possibilité de passer outre les barrières linguistiques rendant possible une plus large diffusion de la recherche, voire de possibles collaborations scientifiques.

Il ne faut pas oublier que la licence CC-BY repose sur les principes suivants :

  • le nom de l’auteur de l’œuvre originale doit être mentionné explicitement ;
  • le respect des attributs du droit moral de l’auteur de l’œuvre originale et notamment le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre ;
  • les utilisateurs doivent identifier les modifications qu’ils ont apportées à l’œuvre originale en mentionnant explicitement le lien vers l’œuvre originale.

Les publications scientifiques, diffusées avec une licence Creative Commons aussi ouverte que la CC-BY, ont vocation à bénéficier d’une visibilité accrue à l’international.

Le plan S (Science ouverte) : une initiative européenne en faveur de la non-cession des droits sur les publications scientifiques

Un enjeu important se dessine au niveau de l’Union européenne pour les revues et les livres : le Plan S. C’est une initiative portée par les agences de recherche visant à la généralisation de l’accès libre (Open Access) sur les publications scientifiques : développer et rendre obligatoire l’accès libre, immédiat et gratuit aux publications et données de la recherche grâce aux opportunités du numérique.

Les membres de la cOAlition S, au titre desquels figure l’ANR, précisent que pour mettre en œuvre cette stratégie, les publications, financées sur fond public, doivent être immédiatement disponibles en accès libre avec une licence CC-BY qui autorise notamment la reproduction, la distribution, la communication, l’utilisation, y compris à des fins commerciales ainsi que la modification de l’œuvre. La stratégie de non-cession des droits, impulsée par le Plan S, participe ainsi à une logique d’ouverture et de diffusion de la science qui s’inscrit d’ailleurs dans la continuité du deuxième Plan National pour la science ouverte déployé en France ; l’enjeu étant de garantir une circulation des connaissances au sein de la communauté scientifique et au-delà.

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Sources bibliographiques

https://coop-ist.cirad.fr/etre-auteur/utiliser-les-licences-creative-commons/5-la-licence-cco

Agence nationale de la recherche, « La politique science ouverte de l’ANR », anr.fr/fr/lanr/engagements/la-science-ouverte.

Fily, M.F. 2015, « Connaitre et utiliser les licences Creative Commons, en 6 points », Montpellier (FRA) : CIRAD, 11 p, doi.org/10.18167/xtnv-d457.

Isabelle Gras, « Contrat d’édition et licences Creative Commons », 2022, hal-03723033.

Lionel Maurel, « Licences à réciprocité : nouvelles pistes pour le développement des Communs. L’usage commercial n’est pas une “enclosure” », 19 mars 2017, april.org/licences-reciprocite-nouvelle-piste-pour-le-developpement-des-communs-lionel-maurel

Lionel Maurel, « Pourquoi diffuser des travaux de recherche sous licence “Pas de modification”n’est pas une bonne idée », 27 avril 2020, scinfolex.com/2020/04/27/pourquoi-diffuser-des-travaux-de-recherche-sous-licence-pas-de-modification-nest-pas-une-bonne-idee, traduit de Brigitte Vezinat, “Why Sharing Academic Publications Under ‘No Derivatives’ Licenses is Misguided”, creativecommons.org/2020/04/21/academic-publications-under-no-derivatives-licenses-is-misguided, April 21, 2020.

Lionel Maurel, « Une politique de licences pour les plateformes et leurs contenus », Rencontres OpenEdition 2021, webcast.in2p3.fr/video/une-politique-de-licences-pour-les-plateformes-et-leurs-contenus-1 (à partir de 1mn30 jusqu’à 14mns15).

Sources complémentaires

« Passeport pour la science ouverte. Guide pratique à l’usage des doctorantes et des doctorants », ouvrirlascience.fr/passeport-pour-la-science-ouverte-guide-pratique-a-lusage-des-doctorants.

« Je publie. Quels sont mes droits ? », ouvrirlascience.fr/je-publie-quels-sont-mes-droits.

« Des contrats pour la science ouverte », ouvrirlascience.fr/des-contrats-pour-la-science-ouverte.

Voir aussi sur HAL – SoMuM : hal-03782766

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1 réponse

  1. 18 septembre 2023

    […] 2001, puis précisé dans un nouveau texte publié en 2011. Dans la continuité de ces initiatives, certains choisissent la licence la plus ouverte, CC-BY, pour assurer une diffusion maximale de l’œuvre et en permettre […]